Météorologie aéronautique : l’indispensable outil negligé

Publication : lundi 28 décembre 2009 15:08

Savoir quel temps il fait et quel temps il fera à un endroit quelconque et à un moment précis est stratégique pour l’aviation.

 

La météorologie est l’étude scientifique des phénomènes atmosphériques: les pressions, les vents, les températures, la présence de l’eau dans l’atmosphère. Autrement dit, c’est l’étude du temps qu’il fait et au delà, du temps qu’il fera. Cette science s’applique à de nombreux domaines de la vie. La b ranche de la météorologie qui s’occupe de l’étude de tous les phénomènes atmosphériques concernant ou menaçant directement les pratiques aéronautiques est la météorologie aéronautique. En effet, c’est lors de la deuxième guerre mondiale (1939- 1945), avec le développement de l’aviation militaire que la nécessité d’avoir des informations sur les conditions atmosphériques actuelles ou envisageables sur les terrains où devraient se dérouler des opérations militaires devient stratégique. Cet état des choses a favorisé le développement de la météorologie en général et de la météorologie aéronautique en particulier.

En septembre 1947, lors de la conférence des directeurs des services météorologiques nationaux à Washington, la Convention de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) est adoptée unanimement. Elle entre en vigueur le 23 Mars 1950. En 1951, l’OMM devient une agence spécialisée des Nations Unies, au même titre que l’organisation de l’aviation Civile Internationale (OACI), créée quelques années plus tôt et remplace l’Organisation Météorologique Internationale (OMI créée en 1873 à Vienne).

Le rôle de l’OMM est de participer, aux cotés d’autres agence spécialisées des Nations Unies et en l’occurren ce l’OACI, à l’élaboration des normes qui permettent la standardisation des mesures météorologiques, leur échange international pour la veille et la prévision météorologique, leur archivage pour les études climatiques ainsi qu’une application pertinente de cette information . Au Cameroun, à l’époque coloniale, fut créée une Direction de la Météorologie Nationale qui fut longtemps dirigée par des responsables Français nommés par la tutelle. Ce n’est qu’ après l’indépendance que la Direction de la Météorologie Nationale sera confiée à des ingénieurs Camerounais nommés par décrets présidentiels. Le premier ingénieur camerounais à occuper ce poste (de 1962 à 1967) sera M. Mandengue Epoh. Cette structure du Ministère des Travaux Publics et des Transports devenu aujourd’hui Ministère des Transports avait la responsabilité exclusive de la fourniture des renseignements météorologiques nécessaires pour la sécurité des personnes et des biens.

L’assistance météorologique à la navigation aérienne ( fourniture des renseignements météorologiques aux exploitants, aux organismes des servi ces de la circulation aérienne, aux organismes des services de recherche et de sauvetage, à la direction des aéroports et aux autres organismes intéressés à la gestion et au développement de la navigation aérienne) était la principale activité de cette structure. Ceci explique le fait que l’actuelle Direction de la Météorologie Nationale soit située à Douala qui était déjà la principale porte d’entrée aérienne et même maritime du Cameroun.

Depuis la signature par le Cameroun, en octobre 1974, de la convention dite ‘’Convention de Dakar’’, et après plusieurs avenants à ladite Convention, l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECN ) est chargée de fournir pour le compte du Cameroun, les services de météorologie aéronautique sur les aérodromes de Douala, Yaoundé- Nsimalen, Garoua et Ngaoudéré (station vent).

Suite à la signature d’un Contrat Particulier avec l’ASECNA, le Cameroun avait également confié à l’Agence pour exploitation, en accord avec les termes de l’article 10 de la Convention de Dakar, une partie de son réseau national d’observations météorologiques qui comprenait 16 stations d’observation météorologique (donc toutes les stations météorologiques aéronautiques).

Ce contrat particulier sera dénoncé par l’Etat camerounais en septembre 1994 avec pour conséquences directes :

- les stations météorologiques con cernées se retrouvent avec des effectifs d’observateurs réduits, ou même sans personnel pour certaines, car le personnel météorologique recruté par l’ASECNA par con cours direct et régi par l’article 10 a été remercié. Cet état de choses ayant à son tour pour conséquence le fait que le flux d’informations sur notre pays dans le réseau mondial d’échange de données météorologiques a été par trop réduit ou même annihilé, d’où la qualité approximative des prévisions météorologiques numériques sur notre zone ;

Les mesures d’altitudes (radiosondage) pour l’exploration de l’atmosphère ont été abandonnées dans les stations météorologiques reversées au porte feuille de l’Etat faute de personnel et de produit pour la préparation de l’ hydrogène ;

La qualité même des observations météorologiques effectuées devient approximative car les équipements tombent dans la désuétude et le personnel vieillissant est démotivé et frustré, son traitement salarial ayant été réduit du simple au quart ;

La qualité de l’assistance météorologique à la navigation aérienne fournie sur ces aérodromes et même sur tout le pays (les phénomènes météorologiques n’ayant pas de limite dans l’espace) se retrouve largement entamée.

La Cameroon Civil Aviation Authority (CCAA), consciente de l’impact fatal que peuvent avoir certaines conditions météorologiques (orages, phénomènes posant la mauvaise visibilité, cisaillement de vent, etc.…) sur les mouvements d’aéronefs sur notre territoire, dans le souci d’assurer la sécurité de la navigation aérienne a pris sur elle de fournir les services de météorologie aéronautique sur les aérodromes relevant des activités nationales à savoir Maroua - salak, Bertoua, Batouri, Bamenda, Mamfe, Tiko, Koutaba …Cette initiative qui s’inscrit en droite ligne des dispositions du décret No 2009/0051/PM du 22 janvier 2009 fixant la composition du patrimoine aéronautique national et les modalités de sa gestion se manifeste concrètement par le recrutement des météorologistes relevant de la sous-traitance ASECNA – ADC SA ainsi que l’acquisition d’équipements météorologiques.

Outre les dispositions prises par la CCAA pour fournir l’assistance météorologique à la navigation aérienne sur les aérodromes releva nt de l’article 10 de la convention Etat du Cameroun/ASECNA et le fait que l’ASECNA fournit les services de météorologie aéronautique sur les aérodromes internationaux de notre pays, il faut noter que, bien que ce s activités soient réglementées par l’annexe à l’arrêté N0 000712/MINT du 08 Juin 2006 portant réglementation de l’assistan e météorologique à la navigation aérienne au Cameroun et l’ Instruction N°0001231/MINT/du 14 Septembre 2006 relative aux spécifications techniques portant sur la fourniture de l’assistance météorologique à la navigation aérienne au Cameroun, deux challenges importants sont à surmonter par la CCAA et les organismes impliqués dans la fourniture de l’assistance météorologique à la navigation aérienne à savoir : la mise en œuvre d’un système clair et équitable de recouvrement des coûts pour les services de météorologie aéronautique, système qui devra être conforme aux dispositions du Document 9161 de l’OACI (Manuel sur l’économie des services de navigation aérienne) et du Document 904 de l’OMM (Guide pour le recouvrement des coûts des services de météorologie aéronautique); et la mise en œuvre de systèmes de management de la qualité (QMS) dans les services de météorologie aéronautique, systèmes qui devront être conformes aux dispositions de l’annexe 3 de l’OACI (Assis tance météorologique à la navigation aérienne internationale) et du Document 9873 de l’OACI (Manuel sur le système de gestion de la qualité dans le domaine de l’assistance météorologique à la navigation aérienne internationale.)

Cyrille Abondo

Ingénieur de la Météorologie CCAA